INLAND EMPIRE (critique/analyse)

Publié le par Alban

Bonjour à tous,

Voici (enfin, diront certains) ma critique du nouveau film de David Lynch : INLAND EMPIRE. Je suis allé le voir le jour de sa sortie bien entendu mais j'ai attendu un bon moment avant d'en rédiger la critique. Il fallait que je puisse prendre du recul, penser à cette expérience unique et m'en remettre lentement avant de pouvoir en dire quoi que ce soit. Présentation.


Synopsis : Nous voici plongés dans une histoire de mystère, l'énigme d'un monde au coeur des mondes, le secret d'une femme en proie à l'amour et aux tourments...

Synopsis évasif pour histoire terriblement complexe, c'est ainsi que nous pourrions évoquer, de manière très réductrice certes, le nouveau film de Lynch. Lynch n'est pas un cinéaste dont on peut qualifier les oeuvres de "tout public". Je me plais ainsi à le définir comme un des derniers grand chercheurs de nouvelles formes et utilités du cinéma. C'est un des derniers cinéastes à explorer l'art cinématographique, repoussant sans cesse ses limites cherchant toujours à les dépasser, à se dépasser et à nous emmener ainsi dans des territoires inconnus.Il serait bien prétentieux de donner une signification à INLAND EMPIRE tant le film semble déstructuré, incompréhensible diront certains, le jaugeant même de haut en annonçant purement et simplement qu'il n'y a rien à comprendre. Quel point de vue terrible ! Il faut tout simplement s'ouvrir, accepter le fait que les choses puissent nous échapper et apprendre à creuser sous la surface apparente des choses comme se plaît Lynch à le faire (souvenez vous de l'herbe verte en ouverture de "Blue Velvet" qui dissimule une noirceur indicible).

INLAND EMPIRE est sans conteste le film le plus complexe, malsain, tourmenté et traumatisant de son auteur. Filmé en DV, ce qui lui donne un aspect très spécial, le film est l'illustration d'un cauchemar que l'aspect de l'image obtenue ne fait que renforcer. Bien sûr on ne peut rentrer dans les détails d'une quelconque interprétation du film, ce qui serait absurde, mais j'essayerais plutôt ici de dégager quelques pistes quelques grands thèmes abordés afin que chacun puisse se faire sa propre opinion et sa propre interprétation. Tout ceci est bien sûr purement subjectif, n'a donc aucune valeur universelle et n'en a pas la prétention. Le premier grand thème que je dégagerais du film est "la peur". Cette peur qui se retrouve injectée dès les premières images du film lorsqu'un faisceau lumineux dévoile les lettres capitales d'un titre magistral et mystérieux au gré d'une ambiance sonore saturée et soutenue, pour le moins étrange. Cette peur tissée tout le long du film, et comme insufflée par la voisine étrange de Laura Dern, est directement liée à ce qui pour moi est le véritable sujet du film : l'adultère. Nous tenons (à mon humble avis) ici la véritable colonne vertébrale du film.

Cette notion se retrouve tout au long du film, dans de nombreuses "scènes-clés", jugez plutôt : La voisine de Nikki au début du film lui dit de ne surtout pas tomber amoureuse de son partenaire sur son prochain film car elle est mariée et commettrais ainsi un adultère qui déclencherait de mauvaises choses, l'adultère est justement le sujet du scénario du film que doit tourner Nikki. Ce film qui est est un remake, l'original étant réputé comme maudit, ses deux interprètes principaux ayant été assassinés. C'est également au moment précis où Nikki commet l'adultère avec son partenaire dans le film (mais est-ce bien elle ou son personnage ?) que la structure narrative du film se dérègle. Dernier point : l'omniprésence de la télé au sein du film, avec l'émission "Rabbits" qui dénonce la télé-réalité et donc par extension l'adultère entre télévision et cinéma, qui nous mène tout droit à la mort de ce dernier.

La suite est un mélange total, dont on peut extirper 3 lignes directrices, 3 personnages de femme en trouble incarnés par Laura Dern : Nikki l'actrice, Sue le personnage et une femme mystérieuse qui se confie à un psychanalyste (?) à tendance muette. Mais nous voyons souvent une femme brune dans une chambre d'hôtel qui pleure en regardant "Rabbits" à la télé, qui semble observer le parcours de Nikki par l'intermédiaire de sa télévision. Parcours qui se terminera par une rencontre durant laquelle, par un baiser, les deux femmes fusionneront pour ne faire plus qu'une et tout rentrera alors dans l'ordre. Mon interprétation serait la suivante : Le personnage de Laura Dern est un double de cette femme, elle est l'incarnation de l'inconscient et des pulsions de cette dernière. Elle lui permet ainsi de faire acte de catharsis et de purger son inconscient de se libérer de ses fautes. 

Le film lui-même, et plus particulièrement ses 20 dernières minutes, nous ploinge dans une certaine forme de psychanalyse forcée et nous met face à nos propres peurs, nos propres cauchemars pour nous apprendre à mieux les surmonter. Lynch s'adresse directement à notre inconscient et c'est en cela qu'INLAND EMPIRE est un film que l'on doit vivre et ressentir plutôt que chercher à tout prix à le comprendre. Mais au sein de ce film reprenant une structure désordonnée de rêve (ici plutôt un cauchemar...) Lynch insuffle les grand thèmes de son cinéma et explore ses obsessions. En cela INLAND EMPIRE se place comme un film où Lynch ferait une conclusion de ses thèmes de prédilections et d'une certaine période de cinéma, s'ouvrant ouvertement vers l'avenir ce qui se marque déjà par l'utilisation de la DV plutôt que du 35mm.

Lynch multiplie donc les références à son univers au sein de ce film on y retrouve entre autres : Eraserhead avec l'ouverture du film avec des personnages à tête effacée et filmés en noir et blanc, mais aussi l'homme derrière la fenêtre, qu'aperçoit Nikki quand elle se surprend elle même dans le studio de tournage pour les répétitions. Laura Harring, actrice de Mulholland Drive fait un caméo à la fin et cette dernière ainsi que Naomi Watts prêtent leurs voix aux lapins de "Rabbits", Justin Theroux est lui-même un acteur déjà présent dans Mulholland Drive. Le thème du double et de la schizophrénie est réemployé comme dans Lost Highway. Laura Dern porte sur le tournage un peignoir bleu nous renvoyant à Blue Velvet et enfin, le générique de fin (pour la première fois imagé chez Lynch) nous ramène directement à la séquence finale de Twin peaks, fire walk with me.

Concernant ce dernier film, une dernière note sur INLAND EMPIRE : le lieu où Laura Dern se retrouve en compagnie de toutes les prostituées polonaises nous renvoie à la Black Lodge ou "Red room" de Twin peaks. Un lieu où les personnages stagneraient, où se trame le mal à venir, une sorte de purgatoire. Impression en partie confirmée par l'utilisatio nde la chanson "Sinner man" (homme pécheur) pour le générique de fin avec une image de Laura Dern souriant, éclairée par flashs intermittents, nous renvoyant l'image de Laura Palmer, morte, prisonnière de la Red room dans Twin peaks fire walk with me.

Je conclurais donc ce long article en une seule phrase qui à mon sens résume bien le film : INLAND EMPIRE est une expérience intense et unique, un film qui se ressent et qui n'a pas forcément à se comprendre pour être apprécié. C'est un film de pure perception qui vous touchera au plus profond de votre être si vous vous ouvrez à ce voyage mystérieux semblable à une plongée dans un trou noir, une abyme sans fond. Un chef d'oeuvre tout simplement.

Publié dans Critiques de films

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V
Oula ! Tu t'es déchiré ! Difficile de synthétiser INLAND EMPIRE et pourtant tu y arrives dans ta critique. Chapeau ! Tu mérites bien ton titre de "fan de Lynch".
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A
32e cérémonie des Césars 2007 ...Le couronnement d'une année année de cinéma au théâtre du Châtelet, les photos de la soirée: www.alterhugo.canalblog.com
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